Pour protéger votre organisation contre l’espionnage lors d’un voyage à l’étranger, vous devez appliquer un protocole de sécurité strict en trois phases : une préparation rigoureuse avant le départ, une vigilance constante sur place, et une procédure de « nettoyage » sécurisée au retour. À l’heure où la compétition internationale est exacerbée, chaque déplacement d’un collaborateur est une potentielle porte d’entrée pour une menace. L’intelligence économique hostile ne vise plus seulement les grands dirigeants ; un ingénieur, un commercial ou un chercheur sont des cibles de choix.
Face à ce risque, la naïveté n’est plus permise. En s’appuyant sur les recommandations des autorités françaises (ANSSI, DGSI), ce guide vous fournit une feuille de route pratique et directement applicable pour faire de chaque déplacement une mission sécurisée.
Phase 1 : avant le départ – la préparation est 90% de la sécurité
La protection de votre mission se joue majoritairement avant même de quitter le territoire. Une préparation minutieuse permet d’éliminer la plupart des risques.
1. Le matériel : le principe de la « valise vide »
Le principe de base, recommandé par l’ANSSI, est de voyager léger, surtout en matière de données.
- Utilisez du matériel dédié : N’emportez jamais votre ordinateur ou votre téléphone de tous les jours. Utilisez un PC et un smartphone de mission, « vierges » de toute information non essentielle (photos personnelles, dossiers non liés à la mission…). Pensez aux écrans anti-espions.
- N’emportez que le strict nécessaire : Ne transportez que les données indispensables à votre mission. Tout le reste doit rester en France, sur les serveurs sécurisés de votre entreprise.
- Marquez votre matériel : Un simple autocollant ou une marque distinctive sur vos appareils permet de détecter rapidement un éventuel échange.
2. Le numérique : blinder ses données et ses communications
Avant de partir, votre hygiène numérique doit être irréprochable.
- Sauvegardez tout : Effectuez une sauvegarde complète de l’appareil de mission et laissez-la en lieu sûr au sein de votre entreprise.
- Chiffrez vos appareils : Le disque dur de votre ordinateur et le contenu de votre téléphone doivent être entièrement chiffrés. C’est votre dernier rempart en cas de vol.
- Utilisez des mots de passe robustes : Au minimum 12 caractères, mêlant majuscules, minuscules, chiffres et symboles.
- Préparez vos communications : Assurez-vous d’avoir un VPN (Virtual Private Network) de confiance, fourni par votre entreprise, installé et fonctionnel sur tous vos appareils.
3. L’humain : se renseigner et limiter son exposition
La première faille de sécurité est souvent le voyageur lui-même.
- Renseignez-vous : Consultez les fiches « Conseils aux voyageurs » du ministère des Affaires étrangères pour connaître la situation politique et sécuritaire du pays. Notez les coordonnées de l’ambassade ou du consulat.
- Soyez discret : Ne publiez jamais vos dates ou votre destination de voyage sur les réseaux sociaux. C’est une information en or pour un acteur malveillant pratiquant l’OSINT.
Phase 2 : sur place – la vigilance de tous les instants
Une fois à l’étranger, vous devez considérer que vous êtes dans un environnement potentiellement hostile où tout est susceptible d’être surveillé.
1. Protéger ses équipements en permanence
- Ne quittez jamais votre matériel : Vos appareils (PC, téléphone, clés USB) doivent rester avec vous à tout moment. En avion, ils voyagent en cabine. À l’hôtel, ils vous accompagnent, même pour aller prendre le petit-déjeuner.
- Votre chambre d’hôtel n’est pas un lieu sûr : La DGSI le rappelle, une chambre peut être visitée en votre absence. Ne laissez jamais un document ou un appareil sensible dans la chambre, même dans le coffre-fort, qui ne présente aucune garantie.
- Méfiez-vous des « cadeaux » empoisonnés : N’utilisez JAMAIS une clé USB publicitaire ou un chargeur offert sur un salon. Ils sont un vecteur connu de cyberattaques. De même, ne rechargez jamais votre téléphone sur une borne USB publique ; utilisez votre propre chargeur sur une prise secteur.
2. Maîtriser ses communications
- Le VPN est non négociable : Activez votre VPN pour TOUTE connexion à internet, en particulier sur les réseaux WiFi publics (hôtels, aéroports), qui sont des passoires en termes de sécurité. Privilégiez le partage de connexion de votre téléphone 4G/5G pour les opérations sensibles.
- Désactivez les connexions automatiques : Coupez le WiFi, le Bluetooth et AirDrop lorsque vous ne les utilisez pas pour éviter les connexions non sollicitées.
- Soyez discret au téléphone : N’évoquez jamais d’information confidentielle au téléphone ou dans les lieux publics (restaurants, halls d’hôtel, taxis). Considérez que toutes les conversations peuvent être écoutées.
3. Se méfier de l’ingénierie sociale : le facteur humain
L’espionnage ne passe pas que par la technologie.
- Attention aux rencontres « fortuites » : La DGSI alerte sur les rencontres « de séduction » qui peuvent être des pièges destinés à vous compromettre ou à vous soutirer des informations.
- Restez maître de vos documents : Ne confiez jamais une clé USB avec une présentation à un interlocuteur. Projetez votre présentation depuis votre propre ordinateur et gardez le contrôle de vos données.
Phase 3 : après le retour – le « sas de décontamination »
La mission n’est pas terminée lorsque vous atterrissez en France. La phase de retour est critique pour éviter d’infecter le réseau de votre entreprise.
1. La décontamination numérique
- Ne vous reconnectez pas immédiatement : Ne branchez jamais votre matériel de mission sur le réseau de l’entreprise sans une validation du service de sécurité informatique (RSSI).
- Faites analyser vos appareils : Le RSSI doit procéder à une analyse antivirus et anti-espiogiciel complète.
- Changez TOUS vos mots de passe : Tous les mots de passe que vous avez utilisés pendant votre séjour doivent être changés immédiatement.
- Effacez les données : Une fois les données de la mission transférées de manière sécurisée, l’appareil de voyage doit être réinitialisé à son état d’origine.
2. Le débriefing sécurité
Un Retour d’Expérience (RETEX) est essentiel. Signalez à votre direction sécurité tout événement suspect, même anodin en apparence : une tentative de connexion étrange, une question insistante d’un interlocuteur, une « panne » suspecte de votre ordinateur à l’hôtel… Ces signaux faibles sont précieux.
Faire de la sécurité en voyage une culture d’entreprise
Dans un monde où l’information est le nerf de la guerre économique, chaque collaborateur en déplacement est un ambassadeur, mais aussi une potentielle vulnérabilité. Assurer leur protection et celle des actifs de l’entreprise n’est pas une contrainte, mais un acte de gestion de crise préventive et une composante essentielle de la culture du risque de votre organisation.
Chez CriseHelp, nous vous aidons à transformer ces bonnes pratiques en une politique de sécurité voyage robuste et intégrée. De la rédaction de vos procédures à la formation de vos équipes, nous vous donnons les moyens de protéger votre patrimoine stratégique, où que vos affaires vous mènent.
Nous sommes à votre écoute pour préciser votre besoin en gestion de crise.
Nos experts et consultants indépendants sont en mesure de vous accompagner de A à Z dans l’évaluation de vos risques pour anticiper les crises.
FAQs
Questions fréquentes sur la sécurité en voyage d'affaires
Suis-je vraiment une cible si je ne suis pas un dirigeant ou un ingénieur ?
Oui. Vous pouvez être une cible non pas pour ce que vous êtes, mais comme une porte d'entrée vers votre organisation. Un pirate peut chercher à compromettre l'ordinateur d'un commercial ou d'un assistant pour ensuite s'introduire plus facilement dans le réseau global de l'entreprise. Personne n'est "sans importance".
Un VPN me protège-t-il complètement sur un WiFi public ?
Un VPN chiffre le tunnel entre votre appareil et le serveur VPN, ce qui est essentiel et vous protège contre l'interception de vos données sur le réseau local. Cependant, il ne vous protège pas si votre appareil lui-même est déjà compromis par un logiciel malveillant, ou si le site sur lequel vous naviguez est frauduleux. C'est une protection nécessaire, mais pas suffisante.
Que faire si les autorités à la frontière exigent mes mots de passe ?
C'est un scénario complexe. La recommandation officielle de l'ANSSI est de considérer que si vous êtes contraint de donner vos mots de passe, l'appareil et tous les comptes associés sont définitivement compromis. Vous devez obtempérer, puis alerter immédiatement votre responsable sécurité par un moyen discret (message codé, appel d'un autre téléphone) pour qu'il puisse déclencher les procédures d'urgence : changement de tous les mots de passe, révocation des accès, et surveillance renforcée de votre activité.