Dans l’arène tendue d’une cellule de crise, où chaque minute compte et chaque choix peut avoir des répercussions majeures, un adversaire insidieux menace la lucidité des équipes : le biais de surconfiance. en gestion de crise, prendre des décisions éclairées sous une pression intense est la norme. cependant, certaines des erreurs les plus coûteuses ne proviennent pas d’un manque d’information critique ou d’un défaut de coordination manifeste. elles émanent discrètement d’un excès de certitude, d’une confiance démesurée en ses propres capacités ou analyses. c’est précisément là qu’intervient le redoutable biais de surconfiance. en surestimant leurs connaissances, la fiabilité de leurs intuitions ou leurs compétences à maîtriser une situation inédite, certains décideurs, même expérimentés, exposent leur organisation à des erreurs qui auraient pu être évitées.

Notre regard chez CriseHelp.

chez CriseHelp, nous avons maintes fois observé ce phénomène. cet article a pour objectif de décrypter ce biais cognitif discret mais aux conséquences potentiellement majeures, notamment dans les contextes d’urgence complexes comme ceux relevant d’un plan orsec (organisation de la réponse de sécurité civile), et d’explorer comment un consultant en gestion de crise peut aider à le neutraliser.

Biais de surconfiance

Définition : qu’est-ce que le biais de surconfiance en gestion de crise ?

Le biais de surconfiance, un des biais cognitifs les plus étudiés, désigne la tendance humaine à surestimer la précision de ses propres jugements, la validité de ses intuitions ou l’exactitude de ses prévisions, même lorsque confronté à des incertitudes objectives ou à des informations contradictoires. il s’agit d’un décalage entre la confiance subjective que l’on accorde à ses propres capacités et la performance objective réelle.

Ce biais s’observe de manière particulièrement aiguë en cellule de crise lorsque :

  • un acteur clé affirme des éléments comme étant certains sans disposer de fondements solides, de données vérifiées ou de renseignements recoupés.
  • les marges d’erreur potentielles, les scénarios alternatifs ou les incertitudes inhérentes à la situation sont systématiquement minimisées, voire totalement ignorées.
  • la critique constructive des choix envisagés, des hypothèses de travail ou des plans d’action est perçue comme inutile, contre-productive, ou pire, comme un frein à l’action rapide.
  • la recherche d’informations complémentaires est jugée superflue, car le décideur estime déjà posséder toutes les clés de compréhension.

En cellule de crise, la surconfiance peut s’exprimer par des phrases en apparence rassurantes mais potentiellement dangereuses, telles que :

  • « je suis absolument sûr que ce n’est rien de grave, on gère. »
  • « on a déjà vécu bien pire par le passé, cette situation est sous contrôle. »
  • « faites-moi confiance, je sais exactement ce que je fais, pas besoin de vérifier ce point. »
  • « inutile de considérer ce scénario, il est hautement improbable. »

L’intention de recherche derrière la compréhension de ce biais est souvent de trouver des moyens d’améliorer la prise de décision collective et individuelle en situation de haute criticité.

Pourquoi le biais de surconfiance est-il si fréquent en cellule de crise ?

Plusieurs facteurs psychologiques, sociaux et organisationnels contribuent à l’émergence et au renforcement du biais de surconfiance, particulièrement dans le chaudron d’une crise :

  1. La valorisation du leadership affirmé : dans notre culture, un leader est souvent attendu pour sa capacité à décider vite et avec assurance. douter publiquement, admettre une incertitude ou demander plus de temps pour réfléchir peut être perçu, à tort, comme un signe de faiblesse ou d’indécision, poussant les responsables à afficher une confiance parfois excessive.
  2. La pression sociale et hiérarchique : au sein d’une cellule de crise, surtout chez les profils seniors ou les plus hauts responsables, il existe une pression implicite à ne pas “hésiter”, à montrer l’exemple par une posture de maîtrise. cela peut inhiber l’expression de doutes légitimes.
  3. Le manque de feedback immédiat et non ambigu : en crise, les conséquences d’une décision ne sont pas toujours instantanément visibles. ce décalage empêche de confronter rapidement les certitudes initiales aux résultats réels, laissant le champ libre à la persistance de la surconfiance.
  4. L’illusion de contrôle : face à une situation chaotique, l’être humain a tendance à surestimer sa capacité à influencer des événements qui sont en réalité hors de son contrôle direct.
  5. Le vécu professionnel et l’effet de l’expertise : l’expérience accumulée, bien que précieuse, peut paradoxalement générer une confiance excessive en ses intuitions et ses « recettes » passées. un individu peut avoir intégré des schémas d’action très efficaces dans certains contextes spécifiques, mais se retrouver démuni ou inadapté face à des situations nouvelles ou atypiques sans en avoir pleinement conscience. ce décalage entre l’expérience passée et la nouveauté de la crise actuelle est un terreau fertile pour la surconfiance.

Exemples concrets de biais de surconfiance en plan orsec et au-delà

Les manifestations du biais de surconfiance sont nombreuses et peuvent toucher tous les niveaux d’une opération de gestion de crise :

  • Sous-estimation de l’ampleur : lors d’un exercice de sécurité civile (plan orsec) en loire-atlantique, un responsable de la coordination des secours a initialement sous-estimé la gravité potentielle d’un afflux de victimes secondaires suite à un incident industriel. arguant que « dans 80 % des cas similaires que j’ai connus, le pic de victimes est déjà passé à ce stade de l’intervention », cette certitude, fondée sur une expérience passée non nécessairement transposable, a retardé l’activation préventive d’un deuxième poste médical avancé. le résultat fut un engorgement du premier site, des retards dans la prise en charge des impliqués et des tensions interservices évitables.
  • Refus d’écouter les signaux faibles : la surconfiance d’un dirigeant peut le conduire à balayer d’un revers de main les alertes ou les préoccupations remontées par des niveaux subalternes ou des experts techniques, jugés moins « stratégiques » ou trop alarmistes.
  • Omission de vérification croisée : un décideur surconfiant peut négliger de recouper les informations vitales avec les autres acteurs impliqués (par exemple, entre le samu, le sdis, les forces de l’ordre, la préfecture, ou les services techniques d’une entreprise lors d’une crise industrielle).
  • Planification insuffisante des scénarios « improbables » : la certitude que « cela n’arrivera pas chez nous » peut conduire à une préparation insuffisante pour des crises à faible probabilité mais à fort impact.

Conséquences dévastatrices du biais de surconfiance sur la coordination et la prise de décision

Le biais de surconfiance est particulièrement redoutable car il est souvent invisible pour celui qui en est victime et peut même être perçu positivement (comme de l’assurance) par l’entourage. ses effets sur la gestion de crise sont multiples et graves :

  • Prise de décisions critiques fondées sur des intuitions biaisées ou des informations incomplètes plutôt que sur des données factuelles validées et une analyse rigoureuse.
  • Fermeture cognitive prématurée à d’autres hypothèses, à des scénarios alternatifs ou à des points de vue divergents qui pourraient s’avérer cruciaux.
  • Risque d’effet domino : une mauvaise évaluation initiale, teintée de surconfiance, peut entraîner une cascade de décisions inappropriées affectant toute la chaîne de commandement et d’intervention.
  • Dévalorisation ou ignorance des signaux faibles, souvent portés par des acteurs moins expérimentés, des observateurs extérieurs ou des outils de monitoring, qui auraient pu permettre une anticipation ou une réorientation stratégique.
  • Allocation inadéquate des ressources (humaines, matérielles, financières) basée sur une appréciation erronée de la situation.
  • Communication de crise défaillante, car basée sur des certitudes plutôt que sur une évaluation prudente et transparente de la situation.

Il en résulte une dégradation significative de la résilience collective de l’organisation. l’équipe de crise perd en agilité, en capacité d’adaptation et en efficacité globale, augmentant la probabilité d’une issue défavorable.

Comment CriseHelp vous aide à déjouer le piège du biais de surconfiance : stratégies et rôle du consultant

Chez CriseHelp, nous pensons qu’il est illusoire de vouloir éliminer totalement les biais cognitifs, mais il est crucial d’apprendre à les identifier, à en comprendre les mécanismes et à en atténuer les effets. voici comment un consultant en gestion de crise de CriseHelp peut intervenir pour limiter l’impact du biais de surconfiance :

  1. Diagnostic et sensibilisation :

    • Nos consultants peuvent auditer vos processus de prise de décision en crise et identifier les facteurs de risque spécifiques liés à la surconfiance au sein de votre culture organisationnelle.
    • Nous organisons des sessions de sensibilisation et de formation pour vos équipes de crise sur les biais cognitifs, dont la surconfiance, afin qu’elles apprennent à en reconnaître les manifestations chez elles-mêmes et chez les autres.
  2. Mise en place d’outils et de cadres décisionnels objectifs :

    • Nous aidons à structurer la prise de décision en introduisant des outils simples et efficaces : checklists adaptées, matrices de décision multicritères, arbres d’analyse des causes et des conséquences, analyses pre-mortem (imaginer que la décision a échoué pour en identifier les failles). ces outils forcent à une analyse plus systématique et moins intuitive.
  3. Promotion d’une culture de la vérification croisée et du « devil’s advocate » :

    • Le consultant en gestion de crise peut aider à instaurer des mécanismes de challenge constructif. cela peut passer par la désignation temporaire d’un « avocat du diable » au sein de la cellule de crise, chargé de questionner systématiquement les options privilégiées.
    • Nous encourageons les équipes à confronter systématiquement les intuitions aux faits disponibles et à institutionnaliser des points de vérification croisée entre différentes sources d’information et expertises.
  4. Facilitation objective et animation de la cellule de crise :

    • En tant qu’acteur externe et neutre, le consultant de CriseHelp peut faciliter les réunions de la cellule de crise, s’assurant que toutes les voix sont entendues, que les hypothèses sont explicitées et que les doutes peuvent s’exprimer sans crainte. sa posture extérieure lui permet de questionner la surconfiance sans être perçu comme remettant en cause l’autorité.
  5. Entraînement par simulations et exercices de crise :

    • Nos consultants conçoivent et animent des exercices de simulation de crise réalistes qui mettent les participants face à des situations complexes où le biais de surconfiance peut facilement émerger. les débriefings post-exercice permettent d’analyser les décisions prises et d’identifier l’influence des biais.
  6. Encourager la réflexivité et l’humilité intellectuelle :

    • Nous travaillons avec les leaders pour qu’ils apprennent à expliciter leurs propres hypothèses, à verbaliser leur niveau de certitude réel (par exemple, en utilisant des échelles de probabilité) et à reconnaître ouvertement les zones d’ombre et les limites de leurs connaissances. paradoxalement, la capacité à dire « je ne sais pas, nous devons vérifier » ou « quelle est votre analyse sur ce point ? » est un marqueur fort de leadership lucide et efficace en gestion de crise.

La lucidité, meilleur antidote à la surconfiance en gestion de crise

Le biais de surconfiance est l’un des ennemis les plus sournois et les plus dangereux en gestion de crise. il donne l’illusion d’agir avec une maîtrise parfaite alors qu’il expose l’organisation à des erreurs de jugement aux conséquences potentiellement graves. pour les entités impliquées dans la planification et la conduite d’opérations de secours (comme dans le cadre des plans orsec) comme pour toute entreprise confrontée à une crise majeure, il est vital de cultiver une conscience aiguë de ce biais.

Former les acteurs à reconnaître les limites de leurs connaissances et de leurs intuitions, à valoriser l’écoute active des signaux faibles et des opinions divergentes, et à construire une culture de la remise en question constructive et bienveillante sont des investissements indispensables. c’est à ce prix que la décision collective en situation de crise pourra gagner en lucidité, en robustesse et en efficacité.

Chez CriseHelp, nos consultants en gestion de crise sont à vos côtés pour vous aider à développer ces réflexes et à intégrer ces pratiques au cœur de votre dispositif de crise. contactez-nous pour renforcer la résilience de votre organisation face à l’imprévu.

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