Lorsqu’une crise éclate, la pression est maximale. Les décisions doivent être prises rapidement, souvent avec des informations partielles ou contradictoires. Dans ce tumulte, il est naturel de se fier à ce qui vient immédiatement à l’esprit : une image choc récemment vue, un événement similaire encore frais en mémoire, un exemple frappant relayé sur les réseaux sociaux… Et l’on croit, à tort, tenir la clé de la situation. C’est une erreur potentiellement fatale.

Sous l’effet du stress et de l’urgence, notre cerveau a tendance à exagérer l’importance des informations les plus facilement accessibles en mémoire, au détriment d’une analyse rigoureuse des données et des risques réels. Ce travers cognitif porte un nom : le biais de disponibilité.

Chez CriseHelp, forts de notre expérience au cœur de nombreuses situations critiques, nous savons à quel point ce biais peut fausser la perception et saboter les stratégies de communication les mieux intentionnées. Comprendre son mécanisme est la première étape pour le déjouer.

Quand l’immédiateté fausse le jugement : Le mécanisme du biais de disponibilité

Le biais de disponibilité consiste à surévaluer la probabilité ou l’importance d’un événement simplement parce qu’il nous vient facilement et rapidement à l’esprit. Plus une information est :

  • Marquante (visuellement ou émotionnellement)
  • Récente
  • Fréquemment rencontrée
  • Facile à imaginer ou à se remémorer

… plus elle sera jugée pertinente et représentative, même si elle est statistiquement rare ou peu significative pour la crise en cours.

En situation de crise, ce biais devient particulièrement prégnant. Sous l’effet du stress, de l’incertitude et de l’urgence, le cerveau cherche instinctivement des raccourcis pour donner du sens et agir vite. Il pioche alors dans sa mémoire : “À quoi cette situation ressemble-t-elle ?”. Ce qui émerge en premier – l’image d’un drame fortement médiatisé, une catastrophe antérieure vécue ou observée, une anecdote frappante – devient le prisme à travers lequel la nouvelle crise est interprétée et gérée.

Le résultat ? Une tendance à surestimer certains risques parce qu’ils “rappellent quelque chose”, une focalisation excessive sur les aspects les plus spectaculaires (mais pas forcément les plus stratégiques), et des décisions guidées par des souvenirs émotionnels plutôt que par une analyse factuelle et contextualisée.

Pourquoi ce biais est-il si puissant en situation de crise ?

Plusieurs facteurs expliquent la force de ce biais cognitif, surtout lorsque les enjeux sont élevés :

  • L’émotion grave la mémoire : Un événement marquant (peur, choc, tristesse) laisse une empreinte mnésique profonde. Ces souvenirs chargés émotionnellement sont donc plus facilement « disponibles » et peuvent teinter, voire biaiser, notre jugement sur des situations nouvelles, même si celles-ci sont objectivement différentes.
  • Le cerveau en mode « raccourci » : Sous pression, le temps manque pour une analyse exhaustive. Le cerveau privilégie alors les heuristiques de jugement – des règles mentales rapides – comme se demander « à quoi cela ressemble-t-il ? » plutôt que « que disent précisément les faits actuels ? ». Ce réflexe est utile pour la rapidité, mais dangereux pour la justesse.
  • L’impact supérieur des images et du narratif sur les données brutes : Une photo dramatique, une vidéo virale ou un témoignage poignant ont souvent plus d’impact qu’un tableau de chiffres ou un rapport d’expertise. Ce qui est visuel, narratif et chargé d’émotion tend à l’emporter sur ce qui est factuel mais plus abstrait ou discret.
  • L’illusion de la récence : Ce qui vient de se produire ou ce qui a été récemment évoqué paraît subjectivement plus important ou plus probable. La crise la plus récente ou la plus médiatisée peut ainsi devenir, à tort, la norme de référence pour appréhender la suivante.

Les conséquences directes du biais de disponibilité sur votre communication de crise

Lorsqu’il n’est pas identifié et contré, le biais de disponibilité peut avoir des effets dévastateurs sur la stratégie de communication d’une organisation en crise :

  1. Surestimation de certains risques, sous-estimation d’autres : Un événement passé particulièrement choquant ou un risque très médiatisé peut devenir le « modèle » dominant. Une cellule de crise peut alors allouer une attention et des ressources disproportionnées à un risque finalement peu probable ou moins impactant pour la situation actuelle, simplement parce qu’un précédent similaire a été traumatisant.
  2. Focalisation de la communication sur le spectaculaire au détriment du stratégique : Les communicants, tout comme le public et les médias, peuvent être instinctivement attirés par ce qui frappe l’imagination – une vidéo choc, une image symbolique, une histoire personnelle isolée. Cela peut conduire à négliger la communication sur d’autres enjeux, peut-être moins visibles mais tout aussi, voire plus, cruciaux pour la résolution de la crise ou la préservation de la réputation à long terme.
  3. Application de « recettes » inadaptées : La tendance à « rejouer la dernière guerre » est une manifestation classique. On applique le plan de communication ou les tactiques qui ont (ou n’ont pas) fonctionné lors de la crise précédente, sans analyser suffisamment si la nature, les acteurs et les enjeux de la crise actuelle sont véritablement comparables.
  4. Brouillage de la hiérarchie des messages et des priorités : Ce qui choque, ce qui « buzze » ou ce qui est le plus facilement accessible à la mémoire collective risque de cannibaliser l’agenda médiatique et l’attention de la cellule de crise. Des messages clés, essentiels mais moins saillants ou plus complexes à expliquer, peuvent être repoussés, oubliés ou mal relayés, déséquilibrant ainsi toute la stratégie de communication.

Exemples concrets d’impact du biais de disponibilité

Pour illustrer, imaginons quelques scénarios :

  • Le cas « le plus visible » devient le seul narratif : Un seul témoignage particulièrement émouvant – un employé affecté, un client mécontent dont l’histoire est relayée massivement – peut devenir le symbole de toute une crise, même s’il s’agit d’un cas exceptionnel. La communication se centre alors sur cette situation unique, et le public peut généraliser, pensant que « tout est comme ça ».
  • Une crise gérée comme la précédente, malgré des différences fondamentales : Une entreprise du secteur technologique fait face à une cyberattaque avec vol de données clients. Sa direction, encore marquée par une crise de réputation liée à une panne majeure survenue deux ans plus tôt, réactive les mêmes éléments de langage axés sur la « résilience technique ». Or, la crise actuelle exige une communication centrée sur la sécurité des données, l’empathie envers les victimes et la transparence sur les mesures correctives, des aspects moins prégnants lors de la crise précédente. L’image de la « dernière crise » biaise l’approche.
  • L’image qui fait diversion au détriment du fond : Une explosion spectaculaire dans un complexe industriel génère des images impressionnantes d’un panache de fumée qui font la une. La communication de l’entreprise et des autorités se focalise sur la gestion de cet événement visible et sur les risques respiratoires immédiats. Pendant ce temps, une pollution chimique invisible, mais potentiellement plus grave à long terme pour les sols ou les nappes phréatiques, est insuffisamment investiguée et communiquée dans les premiers temps, car moins « disponible » à l’esprit face au spectacle de la fumée.

Comment CriseHelp vous aide à limiter ce biais au sein de votre cellule de crise ?

Chez CriseHelp, nous intégrons la prise en compte des biais cognitifs dans nos méthodologies d’accompagnement des cellules de crise. Voici des stratégies éprouvées pour contrer le biais de disponibilité :

  1. Nommer le biais pour le désamorcer : La première étape est la prise de conscience. En début de réunion de crise, nos experts peuvent initier la discussion : « Attention, ne sommes-nous pas en train de surpondérer cet aspect parce qu’il nous rappelle X, ou parce que cette image est particulièrement forte ? » Le simple fait de verbaliser le risque de biais aide à créer une distance critique.
  2. Sanctuariser le retour aux faits et aux données vérifiées : Nous insistons pour que la cellule de crise travaille sur des informations factuelles, recoupées et actualisées. Il s’agit de comparer les données disponibles, de questionner les chiffres, de distinguer les impressions des faits avérés. Cela permet de désactiver le réflexe émotionnel dominant et de baser les décisions sur la réalité de la situation présente.
  3. Favoriser la diversité des regards et le « challenge » constructif : Un des atouts de notre réseau CriseHelp est la pluralité des expertises. En intégrant des profils variés (technique, juridique, communication, opérationnel) et en encourageant un dialogue ouvert où chaque hypothèse peut être questionnée (parfois en jouant l’ « avocat du diable »), on brise plus facilement le consensus de groupe qui peut être teinté par un biais partagé.
  4. Utiliser des protocoles et des grilles d’analyse pour hiérarchiser : Nous aidons à structurer la réflexion avec des outils méthodologiques : matrices de risques, grilles de priorisation des messages basées sur des critères objectifs (gravité réelle, urgence avérée, impact stratégique à long terme, nombre de personnes concernées) plutôt que sur la simple saillance médiatique ou émotionnelle d’un aspect de la crise.
  5. Instaurer des moments de recul et de méta-analyse : Même dans l’urgence, il est vital de s’accorder de courtes pauses pour prendre du recul collectivement. « Faisons un point : sur quelles informations basons-nous cette décision ? Y a-t-il d’autres interprétations possibles ? » Ce temps de « méta-réflexion » permet de se désengager du fil émotionnel ou du souvenir dominant.
  6. Capitaliser sur le retour d’expérience (RETEX) : Après chaque crise ou exercice, nous menons des RETEX approfondis. Une question clé est systématiquement posée : « Quels messages, quels aspects de la crise avons-nous privilégiés ? Était-ce parce qu’ils étaient intrinsèquement les plus critiques, ou parce qu’ils étaient les plus ‘disponibles’ à notre esprit (visibles, récents, émotionnels) ? » Ce travail post-crise est essentiel pour affûter les réflexes et la vigilance collective.

Ne croyez pas tout ce que votre mémoire vous chuchote : L’expertise CriseHelp à vos côtés

Le biais de disponibilité est insidieux précisément parce qu’il ne relève pas d’une faille de raisonnement logique, mais du fonctionnement normal, quasi automatique, de notre esprit. En situation de crise, son influence s’amplifie et peut dangereusement déformer notre perception de la réalité, nos jugements et, in fine, la pertinence de nos messages et de nos actions.

Mais ce n’est pas une fatalité.

Une cellule de communication de crise performante, accompagnée par des experts aguerris, doit développer la capacité de résister à la tyrannie de l’immédiateté et de l’évidence apparente. Elle doit apprendre à distinguer ce qui est simplement « disponible » de ce qui est véritablement important. Ce n’est pas parce qu’un fait est marquant ou qu’une image est forte qu’ils doivent dicter l’ensemble de la stratégie.

Le rôle d’un accompagnement expert comme celui de CriseHelp est précisément de vous aider à ne pas confondre l’émotion brute et la réalité stratégique, à regarder au-delà du miroir déformant de la mémoire immédiate, et à structurer une communication fondée sur la rigueur, la pertinence et la vérité des faits.

La prochaine fois que, face à une situation tendue, vous vous surprendrez à réagir sur la base d’un souvenir saillant, d’une image choc ou d’une histoire qui vous revient instantanément, interrogez-vous : « Est-ce la réalité objective de la situation actuelle, ou la rémanence d’une information ‘disponible’, qui guide ma perception et mes intentions ? »

Savoir se poser cette question, c’est déjà commencer à reprendre le contrôle. Et c’est sur ce chemin que CriseHelp peut vous accompagner, pour que votre communication de crise soit un véritable instrument de maîtrise et de résilience.

Nous sommes à votre écoute pour préciser votre besoin.

Nos experts et consultants indépendants sont en mesure de vous accompagner de A à Z dans l’évaluation de vos risques pour anticiper les crises.