Qu’est-ce que la communication de crise en entreprise et pourquoi est-elle cruciale ?
La communication de crise en entreprise désigne l’ensemble des actions de communication déployées par une organisation pour faire face à une situation critique. Celle-ci peut menacer sa réputation, ses activités ou même sa survie. Une crise d’entreprise se caractérise souvent par son aspect soudain et son impact potentiellement sévère : « La crise représente un événement qui bouleverse le fonctionnement de l’entreprise et peut mettre son existence en péril ». Dans ces moments d’urgence, bien communiquer est vital. Il s’agit de préserver l’image de l’organisation et la confiance de ses parties prenantes : « L’objectif principal demeure la préservation de l’image de l’entreprise et le maintien de sa réputation auprès des parties prenantes pendant toutes les phases de la crise » journals.openedition.org. Une gestion de crise efficace, appuyée par une communication maîtrisée, limite les dégâts d’une mauvaise réputation. Elle peut même transformer une épreuve en opportunité d’apprentissage ou d’amélioration.
Pourquoi est-ce si important ?
Dans un contexte où l’information circule en temps réel (médias, réseaux sociaux, etc.), une crise mal gérée peut prendre de l’ampleur très rapidement. À l’ère du numérique, l’e-réputation (réputation en ligne) d’une entreprise se construit et se détruit en quelques clics. La communication de crise sert à informer vite, rassurer, corriger les rumeurs et montrer que l’entreprise garde le contrôle. Sans cela, le silence peut nourrir spéculations ou critiques externes. Bien communiquer en période trouble protège la confiance du public, des clients, des employés et des partenaires – un capital immatériel précieux.
Crise réputationnelle, e-réputation et diffamation : quelles différences ?
Lorsqu’on parle de crise réputationnelle, on fait référence à une crise qui affecte principalement l’image et la réputation de l’entreprise. Cela peut résulter d’un scandale, d’un bad buzz ou d’un incident interne ou externe jetant le discrédit sur la marque. Les conséquences sont surtout d’ordre image, avec des impacts possibles : perte de confiance, boycotts, baisse de chiffre d’affaires, etc. Toute crise n’est pas forcément « réputationnelle », mais presque toute crise finit par affecter l’image publique. À l’ère du web 2.0, on distingue souvent la réputation globale de l’e-réputation, c’est-à-dire la réputation en ligne.
L’e-réputation
L’e-réputation correspond à la perception de l’entreprise telle qu’elle se propage sur Internet (sites d’actualité, réseaux sociaux, forums, avis clients, etc.). En d’autres termes, c’est « l’évaluation de l’image d’une marque propagée par des individus […] sur tous les types de supports numériques. L’e-réputation est donc mondiale, rapide et publique » institut-numerique.org. Contrairement à la réputation classique, autrefois façonnée par le bouche-à-oreille, l’e-réputation se diffuse à grande échelle et très rapidement. Le moindre commentaire ou tweet virulent peut la fragiliser. Une crise née en ligne (polémique sur Twitter, vidéo virale négative, etc.) devient souvent une crise d’e-réputation. Gérer son e-réputation implique de surveiller les contenus publiés sur la marque et d’intervenir, si nécessaire, pour corriger ou apaiser.
La diffamation
La diffamation, quant à elle, relève d’un concept juridique spécifique. Elle intervient lorsqu’une personne publie ou prononce des propos faux portant atteinte à l’honneur ou à la réputation d’une personne (physique ou morale). En droit français, « [t]oute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne […] est une diffamation » legifrance.gouv.fr. Autrement dit, la diffamation repose sur des accusations mensongères qui nuisent à la réputation. C’est un délit passible de poursuites. Il faut la distinguer d’une critique ou d’un témoignage négatif authentique. Une entreprise ciblée par une fausse accusation publique (par exemple, un scandale inventé) peut engager des poursuites pour diffamation. Toutefois, la réponse ne se limite pas au terrain judiciaire. Elle doit aussi passer par une communication de crise adaptée, pour rétablir la vérité sans paraître vouloir étouffer l’affaire.
En résumé, une crise réputationnelle nuit à l’image de l’entreprise. L’e-réputation en est un aspect spécifique lié au digital. La diffamation, quant à elle, constitue une attaque illégitime et mensongère contre la réputation. Une crise peut survenir sans diffamation (par exemple, à la suite d’une erreur réelle de l’entreprise). L’e-réputation en amplifie souvent les effets.
Étude de cas 1 : Body Minute – le bad buzz tournant à la crise réputationnelle
Pour illustrer concrètement une crise réputationnelle, prenons le cas de Body Minute, une enseigne française d’instituts de beauté, qui a connu une polémique retentissante. Ce cas est devenu un exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire en communication de crise.
Origine de la crise :
Fin 2022, l’influenceuse TikTok Laurène Lévy publie une vidéo humoristique parodiant son expérience chez Body Minute. Elle se moque gentiment d’une esthéticienne peu professionnelle. La vidéo devient virale, générant des dizaines de milliers de vues. Irrité, le PDG de Body Minute, Jean-Christophe David, perçoit cette parodie comme une atteinte à sa marque. Il choisit une riposte musclée plutôt que l’humour ou l’apaisement.
Gestion de la crise par Body Minute :
Au lieu de calmer la situation, la direction lance une véritable offensive contre la créatrice. Début 2023, une note interne est diffusée. Elle demande aux salariés d’agir pour redorer l’image de Body Minute en ligne. Les esthéticiennes sont incitées à publier des avis positifs sur Google pour contrer les critiques. Cette démarche frôle déjà des pratiques discutables. Plus grave, le mémo désigne nommément l’influenceuse comme une ennemie de la marque. Sa photo apparaît, accompagnée de l’insulte « insulte à la marque ». Les employées sont invitées à créer des comptes TikTok pour faire retirer la vidéo. Le mémo va jusqu’à suggérer que l’agence employant Laurène Lévy comploterait contre Body Minute – accusation infondée. En parallèle, des pressions juridiques s’exercent : lettres recommandées et mises en demeure sont envoyées à l’influenceuse et à son employeur.
L’escalade continue. En 2023, Body Minute missionne des huissiers pour fouiller les ordinateurs de l’agence, en quête de preuves d’un complot – en vain. Fin 2024, la vidéo étant toujours en ligne, la société assigne Laurène Lévy pour dénigrement commercial. En janvier 2025, juste avant l’audience, Body Minute publie une vidéo virulente sur son propre compte TikTok. Elle y attaque directement l’influenceuse, la décrivant comme malveillante (« Laurène la Haine et sa meute de hyènes », écrit le PDG). Ce choix de médiatisation alimente encore le conflit. L’influenceuse réplique par de nouvelles vidéos.
Conséquences et analyse :
La stratégie de Body Minute s’est révélée désastreuse. En voulant faire taire une vidéo satirique, la marque a déclenché un effet Streisand majeur. Les tentatives de censure ont amplifié la visibilité de la vidéo et de la controverse. Sur les réseaux sociaux, la réaction de Body Minute a été perçue comme une forme de harcèlement. Le soutien envers l’influenceuse a été massif : commentaires indignés, appels au boycott, critiques sur tous les réseaux. Les clientes ont laissé des avis négatifs en solidarité. TrustPilot a dû suspendre temporairement les avis pour éviter les faux commentaires de colère. Les médias traditionnels ont aussi relayé l’affaire. Ce qui n’était qu’un bad buzz est devenu une crise réputationnelle nationale.
En fin de compte, Body Minute a illustré comment une mauvaise gestion de crise peut amplifier un problème. En privilégiant l’agression juridique et médiatique, l’entreprise a paru autoritaire et déconnectée. Comme l’explique Olivier Cimelière, « exhorter ouvertement ses collaborateurs à répliquer dans une opération qui peut s’apparenter à du cyberharcèlement est complètement à côté de la plaque […] ». Rendre public un conflit de cette manière a gravement nui à l’image de l’enseigne. Cette affaire rappelle combien il est crucial de faire preuve de mesure et de stratégie. Ignorer les critiques ou refuser le dialogue peut se retourner contre une marque de façon spectaculaire.
La suite de l’article sur la communication de crise en entreprise et l’étude de cas de Tesla & d’Elon Musk : ici
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