Un rapport de recherche commandé par la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers de France révèle une vérité fondamentale sur la gestion de crise moderne : notre modèle de commandement traditionnel, centralisé et « héroïque », a atteint ses limites face à la complexité des nouvelles catastrophes. Intitulé « La résilience des opérations de secours face aux crises majeures », ce document de juin 2025, piloté par le chercheur Nicolas Alfano, analyse en profondeur la manière dont les sapeurs-pompiers luttent contre les feux de forêt « hors normes ». Ses conclusions sont un véritable électrochoc. Il démontre que la véritable résilience ne vient plus seulement « d’en haut », du chef, mais « d’en bas », de la capacité des équipes de terrain à agir avec une « autonomie régulée ».
Cette analyse, initialement destinée à la sécurité civile, est en réalité une lecture indispensable pour tout dirigeant d’entreprise, élu local ou manager. Elle nous oblige à repenser nos propres cellules de crise, notre leadership et notre culture organisationnelle. Chez CriseHelp, nous avons décrypté pour vous ce rapport majeur qui dessine les contours de la performance en situation extrême.
Le constat : quand l’impossible devient la nouvelle norme
Le point de départ du rapport est l’émergence de feux « hors normes » dans le paysage opérationnel, comme ceux de Landiras en 2022, qui par leur intensité et leur étendue, dépassent les capacités de la stratégie française classique. Ces méga-crises, au même titre que d’autres phénomènes climatiques extrêmes comme la tornade de Tours, introduisent l’hypothèse de l’« impossible opérationnel » : des situations où le système de commandement, même en fonctionnant à son plein potentiel, risque la rupture de capacité.
L’étude identifie les facteurs de cette rupture : des flux de renforts instables, une intensité de crise qui surpasse les moyens techniques, une défaillance des infrastructures de communication, ou encore la saturation des centres de décision.
La transposition pour votre organisation : Remplacez « feu de forêt » par « cyberattaque systémique », « pandémie » ou « crise d’approvisionnement globale ». Le constat est le même. Les crises modernes sont de plus en plus souvent « hors normes » et peuvent saturer un modèle de gestion de crise trop rigide.
La critique du modèle traditionnel : les limites du « redressement par le haut »
Le rapport analyse avec finesse le modèle de commandement conventionnel français, enseigné à l’ENSOSP. Ce modèle est « dirigiste », centralisé autour de la figure du Commandant des Opérations de Secours (COS) qui prend les décisions. En cas de difficulté, la solution attendue est un « redressement par le haut » : c’est le chef qui doit résoudre le problème.
Ce modèle, dont les limites sont également soulignées dans le rapport du Beauvau de la sécurité civile, présente deux vulnérabilités critiques face à une crise « hors normes » :
- Il crée une dépendance totale au chef et à la chaîne de communication. Si le commandant est saturé ou si les communications sont coupées, le système est paralysé.
- Il peut générer de l’instabilité. Un changement de stratégie majeur ordonné « d’en haut » peut perturber l’action en cours sur le terrain.
La transposition pour votre organisation : Dans votre cellule de crise, si toutes les décisions doivent remonter au directeur de crise, vous créez un goulot d’étranglement. Si votre plan repose uniquement sur sa capacité à tout voir et tout décider, votre organisation est extrêmement fragile.
La révolution conceptuelle : l’autonomie régulée et le « redressement par le bas »
La thèse centrale du rapport est qu’une ressource immense mais « tacite » existe déjà sur le terrain : l’autonomie des équipes de première ligne. Le rapport avance que la clé de la résilience face à l’impossible est de savoir exploiter cette intelligence du terrain.
C’est ce que l’auteur appelle le « redressement par le bas » : une reprise de performance qui ne vient pas d’une intervention des centres de décisions, mais des premières lignes de l’opération.
Pour que cela fonctionne sans tourner au chaos, cette autonomie ne doit pas être une indépendance totale. Elle doit être une « autonomie régulée », qui respecte trois critères essentiels :
- Elle est fluide : Le niveau d’autonomie accordé varie en fonction des besoins réels de la situation.
- Elle est intégrée : Les actions locales restent convergentes avec l’objectif global et se coordonnent horizontalement.
- Elle est réversible : L’autonomie est temporaire et cesse dès que le commandement central est de nouveau capable de piloter efficacement.
La transposition pour votre organisation : Cela signifie faire confiance à vos managers de proximité et à vos experts de terrain. En cas de crise, leur donnez-vous la permission et les moyens de prendre des initiatives locales dans un cadre prédéfini, ou doivent-ils attendre l’approbation de la cellule de crise pour la moindre action ?
Le nouveau rôle du leader : de tacticien à « architecte » de la résilience
Ce changement de paradigme vers l’autonomie régulée impose une transformation profonde du rôle du leader, qui doit veiller à préserver sa charge mentale. Le rapport propose une distinction brillante entre deux postures du chef :
- Le COS-Tacticien : C’est le chef traditionnel, qui dirige la manœuvre et donne les ordres.
- Le COS-Architecte : C’est le chef qui, temporairement, prend du recul sur la tactique pour se concentrer sur la structure de son organisation. Son rôle est de s’assurer que les communications fonctionnent, que les équipes peuvent se coordonner, que les rôles sont clairs. Il ne dirige plus l’action, il construit le cadre qui permet à l’action autonome et intelligente d’émerger.
Toute la subtilité du commandement en crise « hors normes », selon le rapport, est de savoir alterner entre ces deux modes. Savoir quand diriger et savoir quand lâcher prise pour laisser les équipes s’auto-organiser.
La transposition pour votre organisation : Le rôle du directeur de crise n’est pas d’être le super-expert qui résout tous les problèmes, mais de devenir l’architecte de la collaboration. Sa principale mission est de s’assurer que son équipe dispose des bonnes informations, des bons outils de gestion de crise et de la confiance nécessaire pour travailler intelligemment.
Conclusion : la confiance et l’autonomie, piliers de la performance en crise
Ce rapport, bien que centré sur les sapeurs-pompiers, est une lecture essentielle for quiconque s’intéresse à la culture du risque et à la performance des organisations. Il nous enseigne que face à des crises qui dépassent nos capacités de planification, la solution ne réside pas dans un contrôle plus centralisé, mais au contraire, dans une plus grande confiance envers l’intelligence du terrain.
Construire une organisation capable de fonctionner en « autonomie régulée » est un défi managérial et culturel. Cela demande de repenser les formations, de valoriser la prise d’initiative et de concevoir des exercices de crise qui ne testent pas seulement l’obéissance aux procédures, mais aussi la capacité d’adaptation.
Chez CriseHelp, nous sommes convaincus que la résilience de demain se construira sur ce modèle. C’est pourquoi nous vous aidons à bâtir des dispositifs de crise qui ne sont pas seulement robustes, mais aussi agiles, et à former des leaders qui ne sont pas seulement des tacticiens, mais de véritables architectes de la résilience.
Nous sommes à votre écoute pour préciser votre besoin en gestion de crise.
Nos experts et consultants indépendants sont en mesure de vous accompagner de A à Z dans l’évaluation de vos risques pour anticiper les crises.
FAQs
Questions fréquentes sur ce nouveau modèle de résilience
L'autonomie régulée, n'est-ce pas une porte ouverte au chaos ?
Non, et c'est toute la subtilité du concept. Il ne s'agit pas d'une indépendance totale ("chacun fait ce qu'il veut"). L'autonomie est "régulée", c'est-à-dire qu'elle s'exerce dans un cadre défini par le leader-architecte (intention du chef, règles d'engagement, objectifs clairs). Les équipes de terrain restent connectées au commandement et leurs actions doivent converger. C'est une décentralisation contrôlée et temporaire.
Comment un manager peut-il concrètement devenir un "architecte" de la résilience ?
En déplaçant son attention. Au lieu de demander "Quelle est la solution ?", il doit se poser des questions d'architecte : "Mon équipe a-t-elle toutes les informations pour décider ?", "Leur canal de communication est-il fiable ?", "Ai-je bien clarifié les limites de leur autonomie et l'objectif final ?". Son travail est de garantir la qualité de l'environnement de décision de ses équipes.
Cette approche est-elle adaptée à tous les types de crises ?
Elle est particulièrement adaptée aux crises complexes, étendues et à cinétique rapide, où un centre de commandement unique est rapidement saturé. Pour une crise simple et localisée, le modèle traditionnel de commandement direct reste très efficace. La compétence d'un leader moderne est de savoir quel modèle appliquer en fonction des différents types de crises auxquels il peut être confronté.