La municipalité de Lyon, dirigée par le maire écologiste Grégory Doucet, a annoncé ce mardi 25 juin 2025 une décision stratégique majeure : l’abandon progressif des outils bureautiques et des systèmes de l’écosystème Microsoft. Cette transition s’inscrit dans une volonté affirmée de renforcer la souveraineté technologique des services publics et de réduire la dépendance envers les géants technologiques américains. Au cœur de cette transformation se trouve la création d’une suite collaborative libre et interopérable baptisée « Territoire numérique ouvert ». Cet article décrypte les motivations, les modalités et les enjeux de ce virage ambitieux.
Le projet « territoire numérique ouvert » : une alternative souveraine
La réponse de la ville de Lyon à la domination de Microsoft n’est pas un simple remplacement de logiciel, mais la construction d’un véritable écosystème numérique alternatif.
Une alliance d’acteurs publics locaux
Le projet « Territoire numérique ouvert » n’est pas mené en solitaire. Il est développé en collaboration avec la Métropole de Lyon et le Sitiv (Syndicat intercommunal des technologies de l’information pour les villes). Cette approche mutualisée vise à créer une solution robuste, partageable et adaptée aux besoins spécifiques des collectivités. Selon la municipalité, plusieurs milliers d’agents issus de neuf collectivités utilisent déjà des briques de cette solution, qui a bénéficié d’une subvention de 2 millions d’euros de l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT).
Quelles technologies pour remplacer l’écosystème microsoft ?
La transition s’appuiera sur un ensemble de logiciels open source reconnus :
- Pour la bureautique et la collaboration : La suite OnlyOffice, intégrée avec la solution de partage de fichiers NextCloud, remplacera Microsoft Office et permettra notamment la co-édition de documents.
- Pour la visioconférence : L’outil Jitsi sera privilégié.
- Pour les systèmes d’exploitation et les bases de données : Une migration vers Linux et PostgreSQL est engagée.
Un point crucial souligné par la ville est que l’infrastructure sera hébergée dans des data centers régionaux, garantissant ainsi que les données restent sur le territoire national.
Les motivations derrière cette décision stratégique
La municipalité avance plusieurs raisons interdépendantes pour justifier ce changement de cap radical.
La quête de souveraineté et la protection des données
C’est l’argument principal. Dans son communiqué, la ville évoque la « prise de conscience croissante des enjeux de souveraineté numérique ». L’adjoint délégué à la politique numérique, Bertrand Maes, insiste sur ce point en déclarant : « Nous sommes fiers d’inscrire la Ville de Lyon dans une trajectoire de souveraineté numérique, dont l’élection de Donald Trump a rappelé l’importance. » L’objectif affiché est de protéger les données des habitants des lois extraterritoriales américaines comme le Cloud Act et de reprendre le contrôle de l’infrastructure numérique publique.
Des enjeux économiques et environnementaux
Au-delà de la souveraineté, deux autres facteurs sont mis en avant :
- Favoriser l’économie locale : En s’appuyant sur des solutions libres et un écosystème de prestataires locaux ou nationaux pour le développement et la maintenance, la ville entend réorienter les dépenses publiques vers le tissu économique local plutôt que vers les GAFAM.
- Le « numérique durable » : Selon la mairie, l’utilisation de logiciels libres, souvent moins gourmands en ressources, permet de prolonger la durée de vie des équipements informatiques. Cette sobriété numérique vise à réduire l’empreinte environnementale de la collectivité.
Les défis et les implications d’une telle transition
Si le projet est ambitieux, sa mise en œuvre, prévue sur plusieurs années, présente des défis importants qui seront scrutés par de nombreuses autres collectivités en France.
- La conduite du changement : Le principal défi est humain. Il s’agira de former et d’accompagner des milliers d’agents habitués depuis des décennies à l’ergonomie et aux fonctionnalités de la suite Microsoft. La résistance au changement et la nécessité d’une formation continue seront des points de vigilance majeurs.
- L’interopérabilité avec l’extérieur : Comment les services de la ville échangeront-ils des documents complexes avec leurs partenaires (État, entreprises, autres collectivités) qui, eux, restent majoritairement sur Microsoft Office ? Assurer une compatibilité parfaite des formats de fichiers sera un enjeu technique crucial.
- La maintenance et la sécurité à long terme : Si les logiciels libres bénéficient de communautés très actives, la collectivité devra s’assurer d’avoir les compétences internes ou les contrats de support adéquats pour garantir la sécurité, les mises à jour et la maintenance de l’ensemble de son parc informatique.
Lyon, un laboratoire de la souveraineté numérique territoriale
La décision de la ville de Lyon de s’émanciper de l’écosystème Microsoft est l’une des initiatives les plus audacieuses menées par une grande collectivité française en matière de numérique. En passant « de la prise de conscience à l’action », comme le souligne son communiqué, Lyon se positionne en pionnière d’un mouvement de fond en faveur d’un numérique plus éthique, durable et souverain. Le succès de cette transition sur le long terme dépendra de sa capacité à surmonter les importants défis techniques et humains qu’elle implique. Elle sera, sans aucun doute, observée de près et pourrait inspirer d’autres acteurs publics à travers le pays.
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