Un décret présenté ce 30 juillet 2025 vient asseoir de manière décisive l’autorité du préfet sur l’ensemble des services et opérateurs de l’État au niveau départemental. Première traduction concrète de la réforme de l’État territorial, ce texte fait du préfet le « patron » incontesté de l’action publique locale. Pour la gestion de crise, cette clarification est un changement majeur : elle promet une chaîne de commandement plus directe, des décisions plus rapides et un interlocuteur unique pour les maires et les acteurs stratégiques du territoire. Loin d’être un simple ajustement administratif, cette réforme redessine l’architecture de la réponse aux crises en France.
Pourquoi cette réforme ? mettre fin à « l’état en silos »
L’objectif affiché par le gouvernement est de remédier à un problème identifié de longue date : l’éparpillement de l’action de l’État sur le terrain. Comme l’avait souligné le Premier ministre, François Bayrou, le 8 juillet, « l’action de l’État est divisée en un trop grand nombre d’acteurs », ce qui « génère des lenteurs et des incohérences ».
En situation de crise, ce fonctionnement « en silos » peut s’avérer catastrophique, chaque service (santé, environnement, équipement…) agissant selon sa propre logique et sa propre hiérarchie. Le nouveau décret vise à briser ces silos en faisant du préfet le garant unique de la cohérence de l’action de l’État dans son département.
Les 3 pouvoirs clés du nouveau préfet « patron »
Le décret, qui révise un texte de 2004, articule cette autorité renforcée autour de trois leviers majeurs.
1. Un garant de la cohérence stratégique
Le préfet est désormais consulté sur tout projet de réorganisation territoriale des services de l’État et donne un avis sur les grands documents stratégiques, comme le projet régional de santé. Il devient le gardien de la stratégie de l’État à l’échelle de son territoire.
2. Un droit de regard et de directive sur les opérateurs (ARS, ADEME…)
C’est une avancée significative. Le préfet sera systématiquement désigné comme le « délégué territorial » des grands opérateurs de l’État (Agence Régionale de Santé, ADEME, Agence Nationale de la Cohésion des Territoires…). À ce titre, il pourra :
- Adresser des directives d’action territoriale à ces opérateurs.
- Demander un réexamen, avec effet suspensif, de leurs décisions ayant un impact local important.
3. Un pouvoir managérial sur les directeurs locaux
L’autorité du préfet devient aussi hiérarchique. Il sera désormais consulté avant la nomination des chefs de services déconcentrés et des responsables locaux des opérateurs, et sera associé à la fixation de leurs objectifs et à leur évaluation annuelle. Cela lui donne un levier direct sur les responsables qui l’entourent.
Quelles conséquences concrètes pour la gestion de crise ?
Pour les professionnels de la gestion de crise, cette réforme n’est pas un détail. Elle a des implications opérationnelles immédiates.
1. Une chaîne de commandement plus claire et plus directe
En situation de crise, le préfet agissant en tant que Directeur des Opérations de Secours (DOS), son autorité sur le directeur de l’ARS ou de la DREAL (environnement) sera plus directe et moins sujette à discussion. Les décisions prises au sein du Centre Opérationnel Départemental (COD) devraient ainsi être appliquées plus rapidement par l’ensemble des services.
2. Un dialogue simplifié pour les maires et les entreprises
Pour un maire confronté à une inondation ou un dirigeant d’entreprise touché par une pollution, la multiplication des interlocuteurs étatiques était un casse-tête. Cette réforme désigne le préfet (et ses services, comme le SIDPC) comme le guichet unique. C’est une promesse de simplification et d’efficacité dans le dialogue.
3. La promesse d’une plus grande adaptabilité locale
En parallèle de ce décret, la réforme vise à élargir le droit de dérogation du préfet aux normes nationales. L’objectif est de lui donner plus de souplesse pour adapter l’action de l’État aux réalités spécifiques de son territoire, un enjeu crucial dans la gestion de crises aux caractéristiques très locales.
Conclusion : un pari sur l’intelligence territoriale et la coordination
Cette réforme est un pari audacieux : celui de la recentralisation de l’autorité au profit du préfet pour obtenir une action locale plus décentralisée et plus cohérente. Pour la gestion de crise, c’est une clarification bienvenue qui renforce la doctrine du dispositif ORSEC. Le succès dépendra de la capacité des préfets à s’emparer de ces nouveaux leviers, non pas dans une logique autoritaire, mais dans une posture de « chef d’orchestre » au service de l’efficacité collective.
Pour les acteurs privés et publics, s’adapter à cette nouvelle donne est indispensable. Comprendre que le préfet est plus que jamais l’interlocuteur stratégique clé est une nécessité pour bien se préparer et bien interagir avec l’écosystème de la sécurité civile. Chez CriseHelp, nous vous aidons à décrypter ce paysage institutionnel pour que votre organisation soit un partenaire écouté et efficace des autorités en cas de crise.
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