maginez la scène. Un dirigeant face aux caméras, après un incident majeur. Son discours est parfaitement rédigé, les mots sont pesés, la rhétorique est impeccable. Pourtant, personne n’est convaincu. Pourquoi ? Parce que son regard fuit, ses mains sont crispées sur son pupitre et sa voix est monocorde. Son corps trahit le message que ses mots tentent de construire. C’est le drame de l’incongruence.

En gestion de crise, j’ai appris que le message le plus puissant n’est pas toujours celui que l’on prononce. C’est celui que notre corps transmet. La communication non verbale n’est pas un détail, c’est le principal vecteur de la crédibilité et de la confiance lorsque la pression est à son comble. Maîtriser ce langage silencieux n’est pas une option, c’est une compétence de leadership essentielle.

Le paradoxe de la communication de crise : 93% du message est non verbal

 

Les études du psychologue Albert Mehrabian, bien que souvent simplifiées, ont mis en lumière une vérité fondamentale : lorsque nous exprimons des émotions, l’impact de nos mots ne compte que pour 7%. Le reste du message est porté par notre voix (38%) et notre langage corporel (55%). En situation de crise, où l’émotion et l’incertitude dominent, cette règle est décuplée. Votre auditoire (journalistes, collaborateurs, clients) ne va pas seulement écouter ce que vous dites, il va chercher à voir si vous y croyez vous-même. Et pour cela, il se fiera instinctivement à ce que votre corps lui raconte.

 

Décrypter les 4 canaux de la communication non verbale en crise

 

Pour maîtriser ce langage, il faut en comprendre les canaux. J’en distingue quatre principaux, sur lesquels nous travaillons lors de chaque media training.

 

1. Le regard : la fenêtre de la crédibilité

Le regard est le premier lien de confiance.

  • Le piège à éviter : Le regard fuyant, qui lit ses notes ou balaie la salle sans se fixer. Il est interprété comme un signe de dissimulation ou de manque d’assurance.
  • La bonne pratique : Maintenir un contact visuel stable et calme avec son interlocuteur (ou l’objectif de la caméra). Le regard doit être direct mais pas agressif. Il doit transmettre la sincérité et l’assurance que vous tenez la situation en main.

 

2. La posture et la gestuelle : incarner le contrôle et l’ouverture

Votre corps occupe l’espace et envoie des signaux de puissance ou de soumission.

  • Le piège à éviter : Une posture voûtée, des bras croisés, des mains qui triturent un stylo. Ce sont des signes de défense, de fermeture et de nervosité.
  • La bonne pratique : Une posture droite, les épaules ouvertes, bien ancré sur ses deux pieds. Les gestes doivent être calmes, ouverts (paumes des mains visibles) et accompagner le discours pour lui donner de la force, sans le parasiter.

 

3. Le visage : les micro-expressions qui vous trahissent

Le visage est une zone de haute trahison en situation de stress. Un tic nerveux, une lèvre qui tremble, un sourcil qui se fronce sur une question dérangeante… ces micro-expressions sont des aveux involontaires. L’objectif n’est pas d’arborer un visage de marbre, mais de projeter une expression en accord avec la situation : grave, concernée, empathique, mais toujours maîtrisée.

 

 

4. La voix (le para-verbal) : le thermomètre de vos émotions

La voix n’est pas ce que vous dites, mais comment vous le dites. C’est un canal non verbal à part entière.

  • Le piège à éviter : Une voix trop aiguë ou tremblotante (signe de stress), un débit trop rapide (signe de panique) ou une intonation monocorde (signe de détachement).
  • La bonne pratique : Travailler sur une voix posée, avec un débit maîtrisé et des pauses intentionnelles. Le silence, utilisé à bon escient avant une phrase importante, donne un poids considérable à vos mots.

 

Cas pratique : analyse non verbale d’une prise de parole

 

Imaginons une dirigeante qui annonce un plan de restructuration difficile.

  • Version A (communication non verbale défaillante) : Elle lit un texte, le regard fixé sur ses feuilles. Sa voix est faible. Elle se balance légèrement d’un pied sur l’autre. Message perçu : « Elle ne croit pas à ce qu’elle dit », « Elle est mal à l’aise, elle nous cache quelque chose », « Elle n’assume pas ».
  • Version B (communication non verbale maîtrisée) : Elle est debout, stable. Elle regarde ses équipes dans les yeux. Sa voix est calme et posée. Ses gestes sont lents et accompagnent ses mots clés. Elle marque des silences pour laisser le temps à l’émotion d’être accueillie. Message perçu : « La situation est grave, mais elle la maîtrise », « Elle est transparente et courageuse », « Elle nous respecte ».

Le discours était le même. L’impact est radicalement différent.

 

Comment s’entraîner ? de la prise de conscience à la maîtrise

 

La maîtrise de son langage corporel en situation de stress n’est pas innée. Elle se travaille.

  1. Se filmer et s’analyser : C’est un exercice difficile mais indispensable. Enregistrez-vous en train de répondre à des questions difficiles et analysez votre propre prestation sans concession.
  2. Travailler sa respiration : La clé de la gestion du stress est la respiration. Des exercices de respiration abdominale (cohérence cardiaque) avant une prise de parole permettent de faire baisser le rythme cardiaque et de poser sa voix.
  3. Le media training : C’est le passage obligé pour tout dirigeant ou porte-parole. S’entraîner en conditions réelles avec un expert permet de recevoir un feedback direct, de corriger ses défauts et de transformer la technique en réflexe.

 

Contactez nous pour vos formation et média training 

 

La congruence, l’objectif ultime du leadership en crise

 

En définitive, la communication non verbale n’est pas une technique de théâtre pour faire semblant. C’est le résultat d’un alignement intérieur. L’objectif ultime est d’atteindre la congruence : un état où vos pensées, vos mots, vos émotions et votre corps disent tous la même chose. C’est à ce moment-là que votre message devient crédible, authentique et puissant. C’est à ce moment-là que vous cessez de « communiquer » pour véritablement incarner le leadership dont votre organisation a besoin dans la tempête.

Chez CriseHelp, l’accompagnement des dirigeants à la prise de parole en crise est une de nos expertises fondamentales. À travers nos sessions de media training personnalisées, nous vous donnons les clés pour maîtriser ce langage silencieux et faire de chaque intervention une démonstration de votre résilience.

Nous sommes à votre écoute pour préciser votre besoin.

Nos experts et consultants indépendants sont en mesure de vous accompagner de A à Z dans l’évaluation de vos risques pour anticiper les crises.